Méthodes et structures pour construire son scénario

         Le scénario n'est pas une oeuvre littéraire. Ce n'est pas un travail définitif, il constitue une base de travail pour le réalisateur.

Dans tous les cas, un scénario raconte l'histoire d'un ou plusieurs personnages qui vivent au sein d'un monde spécifique dont on présente le contexte. Cette situation est soudain modifiée, par un événement déclencheur lançant le récit. Celui-ci pousse le protagoniste à avoir un but qu'il poursuivra pendant toute l'histoire se heurtant à des obstacles posés par l'antagoniste (force opposée) et de manière croissante jusqu'à un point de haute intensité, le climax. A ce moment, le protagoniste perd ou gagne et les questions restées en suspens sont toutes résolues pour achever le récit.

Les bases de l'écriture : La situation dramatique

La situation dramatique doit être clair. Elle est organisée sur 3 éléments : le sujet (le protagoniste), le but (le but de son mvt) et le conflit, l'obstacle.

Le but : indispensable, c'est lui qui est responsable de la mise en mouvement du protagoniste et justifie son existence aux yeux du public. Il doit être simple et claire c'est-à-dire très ciblé et lié à quelque chose de concret. Il doit être aussi exprimé au plus vite pour ne pas laisser le spectateur dans l'attente du début de l'histoire. Il doit être naturel.

Le but doit être également difficile à atteindre, si le protagoniste arrive facilement à ses fins, le public sera déçu. On a tous besoin de s'identifier à un personnage principal et la difficulté de parvenir à son but concourt à la valeur de la réussite et donc de notre satisfaction.

L'un des moyens pour accrocher le spectateur au but consiste à le rendre de plus en plus incontournable. Car, en effet, l'objectif de départ peut évolué au cours du récit mais il doit néanmoins être lié au précédent.

Une autre manière d'amplifier la valeur du but consiste à le lier à un compte à rebours, si un objet n'est pas retrouvé ou une entreprise accomplie, avant une certaine date, le monde risque d'en souffrir.

L'obstacle : l'obstacle est l'élément contrant le personnage dans la réalisation de son objectif. C'est la force négative du scénario. Il est indispensable de concevoir l'obstacle comme l'antithèse de l'objectif. Il doit être aussi difficile que le but. Gardez toujours à l'esprit que le spectateur adore souffrir avec un personnage. Il ne faut pas être trop gentil avec son personnage principal, mais au contraire l'accabler même lorsqu'il est à terre ; le placer dans une situation que vous ne voudriez pas vivre.

Remarque : Pour la construction des personnages, l'antagoniste (le méchant) doit être construit en miroir, à l'opposé du protagoniste.

La construction du scénario : méthodes et structures

Il existe de nombreuses structures différentes que nous verrons ci-dessus. Mais le risque d'utiliser ces structures peut entraîner un formatage possible des histoires et donc de leur appauvrissement. Mais la volonté de jouer de sa liberté a aussi son revers de la médaille car à force de modernité, on perd une bonne partie du public potentiel. La bonne solution se situe juste dans le milieu, il faut s'appuyer sur les structures de scénario mais on peut également prendre des libertés vis-à-vis de celles-ci.

La théorie des trois actes

La théorie des trois actes est issue du théatre. Son fonctionnement est simple : premier acte, deuxième acte, troisième acte.

Premier acte : l'exposition. Il nous présente le décor. Il présente le personnage principal ainsi que la majeure partie des personnages. A la fin de celui-ci, on doit placer un événement qui bouleverse la vie du personnage principal. Il a, suite à ce bouleversement, un but difficile/ une quête à atteindre qui le motive tout le long des deux actes suivants : c’est ce qu’on appel le noeud dramatique. Ne donnez pas tout dès le départ, gardez quelques surprises !

Deuxième acte : Le développement. Il nous montre le personnage en quête d’un nouvel équilibre. C’est la partie la plus longue du film. Pour cela il rencontre des alliés, des ennemis. Des épreuves se dressent devant lui. Le deuxième acte se termine par un rebondissement qui donne une nouvelle direction à la quête. C’est ce qu’on appellera le Climax, faites monter la tension dans le deuxième acte.

Troisième acte : La résolution. Il est le plus court et nous décrit la dernière étape de la quête. Le personnage se voit confronté à une ultime épreuve dans laquelle il doit mettre toutes ses ressources, pour finalement triompher ou échouer sans retour possible.

La construction selon John Truby

Selon John Truby, le personnage principal a un parcourt durant le film de minimum 7 étapes jusqu’à 22 étapes. Bien sûr il n'est pas nécessaire d'intégrer ces 22 étapes à son scénario mais elles permettent de donner une certaine structure qui est plus éloignée que la théorie des 3 actes parfois répétitive. Les 22 étapes sont : (celles en gras sont considérées comme indispensables).

1. Expression du manque, la révélation.

2. Le fantôme et/ou la description de l’arène (il s'agit de donner au personnage une profondeur tirée de son histoire personnelle)

3. PROBLÈME: LE BESOIN MORAL ou PSYCHOLOGIQUE

4. L’événement déclencheur qui oblige le protagoniste à agir.

5. NAISSANCE DU DÉSIR (qui sert de moteur)

6. Le(s) allié(s)

7. LE MYSTÈRE OU L’ANTAGONISTE (1 adversaire en compétition)

8. L’antagoniste comme  faux allié (un allier travaillant pour l'antagoniste)

9. 1ère révélation et décision

10. LE PLAN (pour vaincre l'adversaire)

11. Le plan de l’antagoniste (les obstacles pour le protagoniste)

12. La progression souvent négative du héros (de l'étape 10 à 14)

13. Attaque par l’allié qui influe sur le plan du protagoniste

14. Défaite apparente. Le protagoniste semble perdu

15. 2ème révélation et décision : changement de méthode.

16. La révélation faite au public (ironie dramatique)

17. 3ème révélation et décision (ex : découverte du faux allié)

18. La porte, la crise, voir la mort de près du protagoniste

19. LA BATAILLE

20. RÉVÉLATION A SOI-MÊME (concerne le problème du héros au départ)

21. Décision morale amenant à un nouveau type de vie.

22. NOUVEL ÉQUILIBRE


Ce plan est par exemple utiliser dans La guerre des étoiles.

Le voyage du héros de Joseph Campbell

C'est une base narrative en 12 étapes au maximum, destinée à construire le voyage initiatique typique du Héros que l'on peut trouver dans de nombreux récits du monde entier comme dans la trilogie du Seigneur des Anneaux.

  1. Le héros dans son monde ordinaire : il s'agit d'une introduction qui fera mieux ressortir le caractère extraordinaire des aventures qui suivront.
  2. L'appel à l'aventure, qui se présente comme un problème ou un défi à relever.
  3. Le héros est d'abord réticent, il a peur de l'inconnu.
  4. Le héros est encouragé par un mentor, vieil homme sage ou autre. Quelquefois le mentor donnera aussi une arme magique, mais il n'accompagnera pas le héros qui doit affronter seul les épreuves.
  5. Le héros passe le « seuil » de l'aventure, il entre dans un monde extraordinaire, il ne peut plus faire demi-tour.
  6. Le héros subit des épreuves, rencontre des alliés et des ennemis.
  7. Le héros atteint l'endroit le plus dangereux, souvent en profondeur, où l'objet de sa quête est caché.
  8. Le héros subit l'épreuve suprême, il affronte la mort.
  9. Le héros s'empare de l'objet de sa quête : l'élixir.
  10. Le chemin du retour, où parfois il s'agit encore d'échapper à la vengeance de ceux à qui l'objet a été volé.
  11. Le héros revient du monde extraordinaire où il s'était aventuré, transformé par l'expérience.
  12. Le retour dans le monde ordinaire et l'utilisation de l'objet de la quête pour améliorer le monde (donnant ainsi un sens à l'aventure).


Voir les 36 situations dramatiques de Georges Polti pour encore plus d'idées.

L'écriture du scénario

Trouver une idée

A l'origine de l'écriture scénaristique, il y a une idée, un thème que l'on souhaite développer, une étincelle qui a surgit, c'est la prémisse.


Prenez l'habitude d'avoir un petit carnet sur vous pour noter une idée, une étincelle qui vous vient à l'esprit lors d'une conversation, lecture d'un article de journal …


Il existe une bonne méthode pour vérifier la qualité d'une prémisse, pour trouver des idées de développement. Il s'agit de l'énoncer sous la forme de « que se passerait-il si ... »

Ex : Que se passerait-il si mon personnage décide de quitter sa femme ?

Si vous trouvez un grand nombre de possibilités, c'est que votre idée est valable.

Si votre idée manque de clarté, il vous sera difficile de la développer. Pour la tester, racontez le résumé à un tiers (extérieur à votre entourage), s'il pose des questions, c'est que votre idée manque de clarté.


Il faut absolument éviter :

  • que l'idée ne soit pas originale

  • que le but du protagoniste ne soit pas clair et puissant pour tenir le récit jusqu'à la fin

  • que l'antagoniste manque de force.


Un bon choix de l'idée de base permet un grand nombre de développement avec des événements peu ordinaires, singuliers, mais possibles pour faire vibrer le spectateur.


→ voir le travail sur la prémisse de John Truby

Procédés narratifs et « trucs » d'écriture :

L’accroche

 

Pour accrocher les spectateurs dès le départ, il est recommandé de commencer le récit par une scéne choc, spectaculaire ou intrigant comme un meurtre en direct.

 

La fausse piste

 

Ce procédé consiste à mener le spectateur sur une fausse piste par un fait anodin (un comportement suspect), ceci afin de le surprendre davantage au final.

 

L'implant

 

C'est une information banale sur le personnage mais qui se révélera importante plus tard dans le récit. Il est nécessaire de l’amener bien en amont de l'action afin de ne pas faire effet « téléphone ».

 

Le cliffhanger

 

C'est une technique pour tenir le spectateur en haleine qui consiste à le confronter à de fortes interrogations comme « comment va-t-il s'en sortir ? » « comment va-t-il réagir ? » … Il est très utilisé dans les feuilleton.

 

La voix off

 

Elle nous permet d'entendre les commentaires personnels du personnage principal. Elle permet d'apporter des informations complémentaires afin d'accélérer le récit. Elle peut aussi jouer avec un autre personnage à la diégèse.

 

Le flash-back / Les ellipses

 

C'est une manière de raconter des événements antérieurs mais qui est délicate à manier. Car il faut le mêler intimement avec l'histoire principale du présent et il faut informer le spectateur qu'il va vivre un flash-back.

Une ellipse permet de sauter un événement temporel non intéressant.

 

Pensez en termes audiovisuels

 

Une histoire peut-être aussi racontée sans dialogue, juste avec des sons et des images.

 

Le coups de théâtre et le twist

 

Le coups de théâtre est une modification brusque, imprévue et irréversible de la situation par une révélation, une conséquence insoupçonnée … .

Le twist renverse totalement le point de vue que l'on avait, comme dans Psychose avec la découverte de la momie de la mère.

 

L'ironie dramatique

 

On amène au spectateur une information que le personnage principale ignore, ce qui lui offre un point de vue particulier. Si le spectateur se trouve au même niveau de questionnement que le protagoniste, il mène l'enquête avec celui-ci permettant de s'identifier au personnage. A l'inverse avec l'ironie dramatique, le spectateur se pose d'autres questions comme la manière dont il va découvrir la tromperie.

 

Le montage alterné

 

Le procédé consiste à aller venir entre plusieurs séquences dans des lieux et des contextes différents, mais inscrits dans une temporalité identique pour que l'ensemble forme un tout. Il est beaucoup utilisé dans les films d'action ou de suspens (untel arrivera-t-il à temps pour sauver untel?)

 

Le montage parallèle

 

Le procédé consiste à placer en parallèle plusieurs événements n'ayant pas de rapport dramatique direct mais liés à un niveau symbolique et sans qu'il y ait simultanéité des événements. Il permet de construire un récit ambitieux intégrants différents récits soudés par un thème.

 

Répéter les informations capitales au bon moment

 

Pour les histoires nécessitants beaucoup d'informations, il est important de rappeler les principales au spectateur lors d'une conversation entre les personnages, ou même avec le visuel comme une photo.

 

Le comique de répétition

 

Répéter une action est comique pour le spectateur car il reconnaît très vite la mécanique et s'en réjouit à l'avance. Mais il est aussi nécessaire de la faire évoluer en l'enrichissant par un développement inattendu en particulier lors de la dernière déclinaison qui opère souvent par renversement du geste.

 


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COURS sur le scénario de JJ TARDY
- Lycée Auguste et Louis LUMIÈRE - LYON 2010
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